La picachanson n°52 : Ne me quitte pas
En cette année picassienne 2021-2022, nous vous proposons de continuer ensemble l'œuvre débutée l'année dernière : chaque dimanche (ou presque), nous découvrirons une chanson. Parce que les chansons sont le reflet de leur époque, elles transmettent et perpétuent des images de leur monde, et, par leur universalité, offrent un pont naturel avec le nôtre. Nous aborderons ainsi des chansons de tous les styles et de toutes les époques, de tous les genres musicaux… mais toujours en lien avec l'actualité. L'actualité du monde, l'actualité du collège, l'actualité de nos vies. Aussi, ouvrez vos chakras, vos oreilles et vos cœurs : pour sa deuxième saison, voici venir la picachanson !
La cinquante-deuxième picachanson est l’un des plus célèbres et des plus déchirantes de la langue française. C’est une immense chanson d’amour chantée par Jacques Brel, chanteur belge, en 1959, écrite en 1955 à propos d’une rupture avec l’actrice et chanteuse Suzanne Gabriello, dont il ne parvenait à se remettre. Les élèves de 4e, notamment, sont invités à l’écouter : elle rentre évidemment dans leur programme de français, sous le thème « Dire l’amour ».
Chaque vers, chaque souffle, chaque geste de cette chanson est passé dans le langage courant, dans notre culture collective. L’image de Jacques Brel tendant la main, regard hagard, vers le public, pour supplier la jeune femme de ne pas le quitter, reste comme le symbole infini de l’amour perdu et qu’on découvre insurpassable, au moment précis où il nous échappe inconditionnellement. La quintessence du désespoir. La vérité du malheur. La perdition d’un homme, celle de Jacques Brel lui-même, qui ne faisait de concession à rien, et surtout pas à la vie.
La chanson est truffée de figures de style, nous vous laisserons le plaisir de les détailler (anaphore, métalepse, répétition, oxymore, ellipse, allitération, synesthésie, métaphores, analogies, hyperboles, paronymes…). Elle est écrite en pentasyllabes, c’est-à-dire en vers de 5 syllabes, particulièrement inattendus dans une chanson. Aucune symétrie possible, aucun vers ne peut retomber sur les pieds du précédent. Le désespoir incarné jusque dans le souffle court, ahané, à la fin de chaque vers, comme autant d’inutiles suppliques tombant inexorablement dans l’oreille d’une sourde.
Pour la petite histoire, une petite partie du couplet de la chanson est inspirée d’un thème musical de la rhapsodie hongroise n°6 de Franz Liszt, compositeur hongrois du XIXe siècle :


Cette chanson a été reprise par des centaines de chanteurs, en français bien sûr, mais aussi dans toutes les langues de la planète. L’amour est évidemment un sentiment universel. Le chagrin d’amour… aussi.
Bonne écoute, et à dimanche prochain.
Ne me quitte pas Ne me quitte pas Il faut oublier Tout peut s'oublier Qui s'enfuit déjà Oublier le temps Des malentendus Et le temps perdu A savoir comment Oublier ces heures Qui tuaient parfois A coups de pourquoi Le cœur du bonheur Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Moi je t'offrirai Des perles de pluie Venues de pays Où il ne pleut pas Je creuserai la terre Jusqu'après ma mort Pour couvrir ton corps D'or et de lumière Je ferai un domaine Où l'amour sera roi Où l'amour sera loi Où tu seras reine Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Je t'inventerai Des mots insensés Que tu comprendras Je te parlerai De ces amants-là Qui ont vu deux fois Leurs cœurs s'embraser Je te raconterai L'histoire de ce roi Mort de n'avoir pas Pu te rencontrer Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas On a vu souvent Rejaillir le feu De l'ancien volcan Qu'on croyait trop vieux Il est paraît-il Des terres brûlées Donnant plus de blé Qu'un meilleur avril Et quand vient le soir Pour qu'un ciel flamboie Le rouge et le noir Ne s'épousent-ils pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Je ne vais plus pleurer Je ne vais plus parler Je me cacherai là A te regarder Danser et sourire Et à t'écouter Chanter et puis rire Laisse-moi devenir L'ombre de ton ombre L'ombre de ta main L'ombre de ton chien Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas Ne me quitte pas
