La picachanson n°35 : Madeleine
En cette année picassienne 2021-2022, nous vous proposons de continuer ensemble l'œuvre débutée l'année dernière : chaque dimanche (ou presque), nous découvrirons une chanson. Parce que les chansons sont le reflet de leur époque, elles transmettent et perpétuent des images de leur monde, et, par leur universalité, offrent un pont naturel avec le nôtre. Nous aborderons ainsi des chansons de tous les styles et de toutes les époques, de tous les genres musicaux… mais toujours en lien avec l'actualité. L'actualité du monde, l'actualité du collège, l'actualité de nos vies. Aussi, ouvrez vos chakras, vos oreilles et vos cœurs : pour sa deuxième saison, voici venir la picachanson !
La picachanson de cette semaine remonte à l’année 1962, c’est l’une des chansons-phare du chanteur belge Jacques Brel, qui l’a créée sur scène, à L’Olympia, avant de l’intégrer à son album suivant. Elle est devenue si emblématique de son répertoire qu’il concluait ensuite ses concerts en la chantant en dernier, au grand plaisir du public. Madeleine, ou l’histoire d’un amour éternellement déçu, et d’un amoureux éternellement optimiste…
Il faut dire que cette chanson, et le personnage d’amoureux transi qu’il y campe, colle particulièrement bien à la personne que Jacques Brel était alors, jusque dans la vraie vie : à la fois naïf et sincère, simple et excessif, ultrasensible et pourtant imperméable aux injustices, à sa façon ; désespérément triste et gai à la fois, simultanément amoureux de toutes les femmes et en même temps sincèrement désireux de n’aimer éternellement que chacune d’entre elles ; amoureux de la vie, amoureux des mots, amoureux tout court. L’amour de la vie poussé au désespoir, pour un homme littéralement à fleur de peau.
Les élèves de 407 étudient cette chanson en ce moment-même, dans une séquence intitulée « Coup de foudre », juste après cette citation de la romancière Colette : « Il y a deux sortes d’amours : l’amour insatisfait qui rend odieux et l’amour satisfait qui rend idiot. » Brel semble répondre à l’autrice du Blé en herbe, en y ajoutant sa nuance : bien sûr que l’amour rend bête. Mais sont idiots, même les amoureux insatisfaits…
Rassurons-nous : Brassens arrivera bientôt, pour contrebalancer cette vision désabusée.
La version de la chanson ci-dessous est un scopitone, c’est-à-dire l’ancêtre des vidéoclips : tourné en une journée, il était destiné à être diffusé dans les bars, sur les premiers juke-box équipés d’écrans…
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…mais cet écran n’en était pas vraiment un, car les téléviseurs couleur n’existaient alors pas. Ce juke-box était en fait une sorte de mini-salle de cinéma, projetant un film tourné sur pellicule, au format 16 mm, sur une vitre en verre dépoli. Le son était joué en playback et synchronisé avec la piste vidéo, à partir d’une bande magnétique fournie par la maison de disque.
Les consommateurs du bar pouvaient « jouer » les chansons de leur choix sur la machine (qui s’appelait également un Scopitone – c’était en fait la marque déposée de l’engin), généralement pour la somme d’un franc.
Bonne écoute, et à dimanche prochain.
Madeleine Chanson de Jacques Brel, Gérard Jouannest et Jean Corti Ce soir j'attends Madeleine J'ai apporté du lilas J'en apporte toutes les semaines Madeleine elle aime bien ça Ce soir j'attends Madeleine On prendra le tram trente-trois Pour manger des frites chez Eugène Madeleine elle aime tant ça Madeleine c'est mon Noël C'est mon Amérique à moi Même qu'elle est trop bien pour moi Comme dit son cousin Joël Mais ce soir j'attends Madeleine On ira au cinéma Je lui dirai des "je t'aime" Madeleine elle aime tant ça Elle est tellement jolie Elle est tellement tout ça Elle est toute ma vie Madeleine que j'attends là Ce soir j'attends Madeleine Mais il pleut sur mes lilas Il pleut comme toutes les semaines Et Madeleine n'arrive pas Ce soir j'attends Madeleine C'est trop tard pour le tram trente-trois Trop tard pour les frites d'Eugène Madeleine n'arrive pas Madeleine c'est mon horizon C'est mon Amérique à moi Même qu'elle est trop bien pour moi Comme dit son cousin Gaston Mais ce soir j'attends Madeleine Il me reste le cinéma Je pourrai lui dire des "je t'aime" Madeleine elle aime tant ça Elle est tellement jolie Elle est tellement tout ça Elle est toute ma vie Madeleine qui n'arrive pas Ce soir j'attendais Madeleine Mais j'ai jeté mes lilas Je les ai jetés comme toutes les semaines Madeleine ne viendra pas Ce soir j'attendais Madeleine C'est fichu pour le cinéma Je reste avec mes "je t'aime" Madeleine ne viendra pas Madeleine c'est mon espoir C'est mon Amérique à moi Mais sûr qu'elle est trop bien pour moi Comme dit son cousin Gaspard Ce soir j'attendais Madeleine Tiens le dernier tram s'en va On doit fermer chez Eugène Madeleine ne viendra pas Elle est elle est pourtant tellement jolie Elle est pourtant tellement tout ça Elle est pourtant toute ma vie Madeleine qui ne viendra pas Mais demain j'attendrai Madeleine Je rapporterai du lilas J'en rapporterai toute la semaine Madeleine elle aimera ça Demain j'attendrai Madeleine On prendra le tram trente-trois Pour manger des frites chez Eugène Madeleine elle aimera ça Madeleine c'est mon espoir C'est mon Amérique à moi Tant pis si elle est trop bien pour moi Comme dit son cousin Gaspard Demain j'attendrai Madeleine On ira au cinéma Je lui dirai des "je t'aime" Et Madeleine elle aimera ça.