La picachanson n°22 : Good 4 u
Régulièrement, en cette année picassienne 2020-2021, le collège Picasso vous fait découvrir une chanson. De tous les styles et de toutes les époques, de tous les genres musicaux… Aux confluences de tous les arts et de toutes les traditions, la chanson est sans doute un art mineur… ou plutôt c’est ce qu’elle aime bien nous faire croire, pour nous toucher plus facilement ! Ouvrez vos chakras, vos oreilles et vos cœurs : voici venir la picachanson !
Depuis le tube planétaire « Driver’s License », le monde entier attendait le premier album de la chanteuse américaine prodige Olivia Rodrigo, 18 ans, repérée dans la série musicale High School Musical de la chaîne Disney Plus. C’est chose faite depuis le 21 mai, et l’album Sour. Pour cette vingt-deuxième picachanson de l’année, nous vous proposons d’y découvrir la chanson « Good 4 u », véritable pépite pop pimpée aux accents grunge… au clip très narratif.
« Good 4 u », à lire bien sûr « Good for you » : Olivia Rodrigo n’est pas la première utiliser de cette manière des lettres ou des chiffres dans ses titres de chanson. Il s’agit d’utiliser ces lettres pour leur homophonie avec des mots syntaxiques courants, de manière à donner plus d’impact au titre. C’est aussi une manière de jouer avec la langue, de jouer avec les mots, en s’appropriant leur graphie. Comme chez Wejdene, nous avons donc une faute volontaire, mais assumée (car non, malgré la proximité phonétique, le déterminant numéral 4, écrit « four » (traduction : « quatre »), n’est pas de même nature que la préposition « for » (traduction : « pour »)).
Au rang des précurseurs de ce procédé, citons le chanteur américain Prince, qui l’a démocratisé au fil de ses albums, utilisant les mêmes lettres et chiffres « 4 » et « u », mais aussi « 2 » (pour « two » (deux)) et « R » (pour « are » (le verbe être conjugué au pluriel)), par exemple : « I will die 4 u » ; « Nothing Compares 2 U », « Money Don’t Matter 2 Night », « Live 4 love », « When 2 R in Love »… Mai aussi la chanteuses canadienne Alanis Morissette (« Thank u »). Côté francophone, la chanteuse Lorie avait osé le titre « Fan 2 toi » en 2002…
À 18 ans à peine, Olivia Rodrigo possède déjà une sagesse qui relèverait presque du superpouvoir. Au coeur des chansons de son album, trône l’idée que l’adolescence n’épargne personne. Chanson après chanson, c’est le vertige du virage entre l’enfance et l’âge adulte qui est exploré : les chagrins d’amour, les humiliations, les sentiments surdimensionnés… Un album en forme de confession totale, dont la franchise peut parfois déstabiliser. La première chanson, « Driver’s license », mettait en scène une rupture douloureuse. Cette chanson-ci prolonge ce sentiment d’abandon, filant les sentiments jusqu’à la colère, et même de manière démoniaque (voir le dernier plan du clip, où les yeux d’Olivia deviennent rouge sang – le rouge du feu, bien sûr, le rouge de l’enfer).
Au cœur du pont de la chanson (le « pont », c’est ce moment différent, vers la fin de la chanson, avec un tempo souvent un peu plus lent, où l’on met en suspens couplets et refrains, et qui préfigure la fin en forme de bouquet final, accentuant la montée chromatique, comme une montée du désir), la chanteuse se pose des questions sur sa perception du monde, son hypersensibilité : « Maybe I’m too emotional » (« Peut-être suis-je trop émotive ? »), et souffre surtout de l’absence de réciprocité dans le regard de l’être perdu : « Or maybe you never cared at all » (« Ou peut-être que cela ne t’affectes pas du tout »). Elle ajoute, e apostrophant celui qui l’a quitté : « Good for you, you’re doin’ great out there without me, baby / Like a damn sociopath » (« Tant mieux pour toi, tu t’en sors bien sans moi, bébé / Comme un foutu sociopathe »), et cette observation glaçante : « Your apathy is like a wound in salt » (à traduire peut-être par « Ton apathie jette du sel sur mes plaies »).
Musicalement, le morceau (mais aussi tout l’album) penche entre les genre folk, rock et grunge, empruntant beaucoup aux guitares sursaturées du groupe anglais Blur, avec des accents country directement inspirés de ceux de Taylor Swift. La voix et le charisme d’Olivia Rodrigo, à la fois angélique et bougrement déterminée, donne un sacré mélange, dans un album très produit, facile et agréable à écouter, moins adolescent qu’il n’y paraît.
Tout l’album, nommé Sour (traduction : « aigre ») navigue pourtant dans cette période ingrate vécue par les jeunes adultes. « Ce mot, « sour », précise l’artiste, qualifie vraiment bien cette période de ma vie (l’adolescence). Dans mon souvenir, j’étais tellement triste, peu sûre de moi, en colère. Je ressentais tout ça, et même si c’est encore présent, ça n’a plus du tout la même intensité qu’avant. »
Malgré nous, on se rappelle la phrase du grand auteur Paul Nizan, en incipit de son célèbre essai Aden Arabie : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. »
Bonne écoute, et à dimanche prochain.
Good 4 U Olivia Rodrigo Well, good for you, I guess you moved on really easily You found a new girl and it only took a couple weeks Remember when you said that you wanted to give me the world? (Ah-ah-ah-ah) And good for you, I guess that you've been workin' on yourself I guess that therapist I found for you, she really helped Now you can be a better man for your brand new girl Well, good for you, you look happy and healthy, not me If you ever cared to ask Good for you, you're doin' great out there without me, baby God, I wish that I could do that I've lost my mind, I've spent the night Cryin' on the floor of my bathroom But you're so unaffected, I really don't get it But I guess good for you Well, good for you, I guess you're gettin' everything you want (ah) You bought a new car and your career's really takin' off (ah) It's like we never even happened Baby, what the fuck is up with that? (Ha) And good for you, it's like you never even met me Remember when you swore to God I was the only Person who ever got you? Well, screw that and screw you You will never have to hurt the way you know that I do Well, good for you, you look happy and healthy, not me If you ever cared to ask Good for you, you're doin' great out there without me, baby God, I wish that I could do that I've lost my mind, I've spent the night Cryin' on the floor of my bathroom But you're so unaffected, I really don't get it But I guess good for you Ah-ah-ah-ah Ah-ah-ah-ah Maybe I'm too emotional But your apathy's like a wound in salt Maybe I'm too emotional Or maybe you never cared at all Maybe I'm too emotional Your apathy is like a wound in salt Maybe I'm too emotional Or maybe you never cared at all Well, good for you, you look happy and healthy, not me If you ever cared to ask Good for you, you're doin' great out there without me, baby Like a damn sociopath I've lost my mind, I've spent the night Cryin' on the floor of my bathroom But you're so unaffected, I really don't get it But I guess good for you Well, good for you, I guess you moved on really easily
